Traite d'êtres humains - Le dossier du Conrad s'épaissit

Publié le par Fouad Lahssaini

Le Soir, 03/07/2008, page 11


Les esclaves accusent les princesses émiraties

Les domestiques de la veuve de l'émir Muhammed Khalid Al Nahyan, et de ses quatre filles, Shaima, Myriam, Maesa et Rawda ont dit tout ce qu'elles avaient sur le c½ur. Extraites, ce mardi, de leur « prison dorée » – l'hôtel Conrad – par l'auditorat du travail, l'inspection sociale et la section « traite des êtres humains » de la police judiciaire, elles ont relaté leur calvaire. De longues heures durant.

« Nous avons entendu 17 domestiques tout au long de la journée, commente Claude Dedoyard, substitut à l'auditorat du travail. A l'issue des auditions, nous disposons de sérieux indices confirmant l'exploitation économique de ces personnes par la famille princière des Emirats arabes unis qui occupe le 4e étage de l'hôtel  Conrad. »

Au terme de ces interrogatoires, onze domestiques ont souhaité et obtenu l'accompagnement en tant que victimes présumées de la traite d'êtres humains. Elles rejoignent en cela les deux jeunes femmes (Le Soir de ce mercredi) qui se sont échappées de l'hôtel et qui ont dénoncé l'exploitation dont elles étaient victimes. Un geste qui a déclenché l'enquête. Ces treize jeunes femmes vont donc être prises en charge par une association (Pag-Asa ou Surya) qui va les loger dans une collectivité dont l'adresse est secrète. Elles bénéficieront aussi de documents de séjour temporaires. Six autres jeunes femmes n'ont pas souhaité bénéficier de cette procédure. A la fin de leur audition, elles ont donc quitté les locaux de l'auditorat. Libres mais sans protection…

Mandat d'arrêt possible

Et maintenant ? Qu'attendre de ce dossier quelque peu encombrant ? « Nous sommes intervenus car après avoir tout vérifié, nous sommes arrivés à la conclusion que les princesses ne bénéficient d'aucune immunité diplomatique », précise Claude Dedoyard qui ne souhaite pas en dire plus sur la famille qui occupe à l'année le quatrième étage du cinq-étoiles de la capitale.

Mais tout est possible, comme dans un dossier classique. « S'il constate des faux en écritures, de la traite d'êtres humains, par exemple, l'auditorat du travail peut très bien saisir un juge d'instruction et solliciter un mandat d'arrêt », commente un magistrat du parquet de Bruxelles. Est-ce l'intention de Claude Dedoyard ? Veut-il entendre les princesses ? « No comment ! »

Sollicitée ce mercredi, l'ambassade réserve sa réaction pour ce jeudi. Peut-elle s'opposer d'une manière ou d'une autre à l'évolution de l'enquête ? A-t-elle quelque chose à dire par rapport aux accusations formulées à l'encontre des princesses ? « L'ambassadeur travaille jusqu'à 15 heures. Il réagira certainement après avoir parlé à son avocat », répond un employé.

Contacté aussi ce mercredi, Marc de Beer, le directeur du  Conrad, dit prendre « ces accusations très graves au sérieux. Nous aidons d'ailleurs les enquêteurs. Mais je ne peux en dire plus par discrétion par rapport à des gens qui restent nos clients ». Etait-il au courant ? « Les investigations portent sur nos clients, pas sur l'hôtel. »

<P>FRÉDÉRIC DELEPIERRE </P>

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