Traite des êtres humains - La famille d'un émir aurait exploité 17 personnes

Publié le par Fouad Lahssaini

Le Soir, 02/07/2008, page 8

Le calvaire dans un cinq-étoiles

L'auditorat du travail est descendu au Conrad, à Bruxelles, pour des soupçons d'exploitation économique.

Gyrophares bleus allumés, la police est descendue dans un palace de la capitale, mardi. Et non des moindres : le  Conrad de l'avenue Louise. Celui qui a vu défiler nombre de chefs d'Etat et de stars du showbiz. Le parking est envahi. Sans que le voiturier habitué aux limousines haut de gamme ne comprenne ce qui se passe. Il est un peu plus de neuf heures. Direction le quatrième étage.

L'opération ressemble à un épisode de série télévisée policière « made in France ». Pourtant, elle est bien réelle. Son but ? Sortir plus de quinze personnes des griffes de leurs « exploitants ». Non pas les patrons du  Conrad , mais une richissime famille princière des Emirats arabes unis qui occupe depuis plusieurs mois la totalité du quatrième étage.

« Il s'agit d'une opération de contrôle assortie d'une visite domiciliaire, commente Claude De Doyard, substitut auprès de l'auditorat du travail. Elle s'opère chez des personnes qui sont ici en séjour privé. Mais nous avons reçu des informations que nous devons vérifier sur les conditions de travail et de rémunération du personnel employé par ces gens. » Bref, un dossier de traite d'êtres humains exploités économiquement.

« Le cadre où il se déroule est, cette fois, particulier mais ce genre de situation est très fréquent, constate Pierre-Arnaud Perrouty, de la Ligue des droits de l'homme. Des restaurants, des night-shops voire des ambassades exploitent parfois certains de leurs ressortissants. En les privant de leur passeport, en les séquestrant et en ne les payant pas. » Tout à fait conforme au dossier qui intéresse l'auditorat ce mardi.

Tout est parti du courage qu'ont eu deux domestiques de la famille. Epuisées de la vie qui leur était imposée, elles se sont échappées du  Conrad . « L'une d'elles (lire ci-contre) est restée cachée avant d'aller consulter une avocate », relate le député fédéral Ecolo Fouad Lahssaini qui est en contact avec la jeune femme. Son témoignage, vendredi, auprès de la section traite des êtres humains de la police fédérale, lui procure désormais un statut de victime qui lui permet d'être recueillie par l'association Pag-Asa. La seconde servante a, elle, été interceptée à l'aéroport de Zaventem alors qu'elle tentait de prendre la fuite après avoir réussi à échapper, selon ses dires, aux gardes du corps de la famille émiratie qui tentait de la rapatrier vers Abou Dhabi. Son témoignage a également permis de déclencher l'enquête.

Selon Fouad Lahssaini, les 17 personnes qui seraient exploitées seraient originaires du Maroc, de Tunisie, d'Egypte, d'Irak, de Syrie, d'Inde, des Philippines, d'Indonésie et du Soudan. « De manière à ce qu'elles ne puissent quasi pas communiquer entre elles », dit-il.

Selon l'auditorat du travail, les employeurs – la veuve d'un Emir et ses quatre filles, des princesses, et leur suite – se sont montrés coopératifs. Ce qui n'a toutefois pas empêché la venue à l'hôtel de l'ambassadeur des Emirats arabes unis. De son côté, la direction du palace bruxellois estime ne pas être responsable de la situation.

<P>FRÉDÉRIC DELEPIERRE </P>


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